Les oncles d’Amérique (du Sud)

15 octobre 2014

Les oncles d’Amérique (du Sud)

Miracle d’Internet : nous avons tous des cousins ou des oncles d’Amérique. Je ne sais pas pour vous, mais depuis le développement d’Internet à l’échelle planétaire et l’explosion des réseaux sociaux, il ne se passe pas une semaine sans qu’une personne portant le même nom que moi me contacte pour savoir si, au cas où, nous n’aurions pas un quelconque lien de parenté.

J’ai du mal à imaginer ce qui se passe pour des personnes dont le patronyme est très répandu, genre Dupond/Durand. En ce qui me concerne, je dois représenter un cas peut-être particulier, car mon nom de famille est spécifique à la petite région de France où je suis né et où j’habite actuellement, le Béarn. On n’en trouve pas, ou peu, en France en dehors de deux/trois villages de l’Est du département, mais par contre, du fait d’une émigration massive tout au long du 19e siècle, c’est un nom qui s’est répandu sur tout le continent américain, du Nord au Sud et d’Est en Ouest.

Donc, si j’en crois mes derniers visiteurs, ils sont plus de cent au Mexique à porter le même nom que moi, on en trouve en Argentine, au Brésil et bien sûr aux États-Unis, sans compter tous ceux disséminés à travers le continent américain dont j’ignore l’existence.
Si certains se contentent d’échanger quelques mails sans plus de conviction que ça, pour d’autres, il s’agit d’une véritable démarche généalogique ayant pour but de retrouver leurs racines européennes et de comprendre (un peu) l’histoire de leurs ancêtres.

C’est ainsi qu’au tournant de l’an 2000 nous avons vu débarquer de Louisiane une Américaine pure souche venue découvrir le berceau de sa famille. Reçue comme il se doit, en pleine période de fêtes de fin d’année, je ne sais si sa soif de découverte a été rassasiée, mais au moins elle a pu goûter à quelques préparations culinaires dont le Sud-Ouest de la France a le secret. Elle sera rapidement suivie par quatre Américains « pur jus » avides de racines.

Nous avons accueilli quelques années plus tard un curé mexicain, haut en couleur, venu en Suède pour un baptême chez des amis, passé par Barcelone en plein été ce qui lui a valu de dormir sur un banc pour cause d’hôtellerie surbookée, et après un mini pèlerinage à Lourdes nous lui avons fait découvrir son Béarn d’origine dans des conditions estivales. Pour l’anecdote, en plus d’être très sympathique il était « beau comme un Dieu » ce qui, aux dires de la gent féminine, l’aurait classé au firmament des « Oiseaux se cachent pour mourir » pour ceux qui ont lu ce roman ou vu le film.

Et tout récemment, la semaine dernière, nous avons accueilli quatre quinquagénaires d’origine hispanique, un couple de Tarragone en Espagne, un orthodontiste mexicain et une policière/professeur d’anglais de Buenos Aires. Eux avaient fait au préalable un vrai travail de recherche sur leurs origines respectives avec un impressionnant tableau généalogique qui apportait une certitude et une question. La certitude étant qu’ils étaient de la même famille, malgré des habitats fort éloignés, et la question restée en suspens était de savoir de quel village précisément leur lointain ancêtre (1820) avait émigré.

Je vais vous dire : on a passé des moments formidables ! Pour la généalogie la progression fut lente, une partie des archives locales sont numérisées et disponibles sur Internet,mais il en manque pas mal pour savoir d’où venait leur « Luciano d’ancêtre », en ce qui concerne la langue nous avons bien cafouillé entre l’espagnol, l’anglais, le peu de français connu et un mélange de catalan et de béarnais finalement très proche, par contre pour rigoler et bien manger nous avons atteint des sommets ! Ils s’en sont retournés rassasiés et contents d’avoir enfin vu leur contrée d’origine. A moi maintenant de parcourir le Monde pour leur rendre la visite qui s’impose (pas simple tout ça !)

Ce billet juste pour évoquer l’émigration à travers les âges. Car si aujourd’hui en Europe c’est un sujet brûlant, des Roms de Bulgarie ou de Roumanie en passant par les naufragés de Lampedusa, des migrants de Calais guettant un hypothétique passage vers l’Angleterre au regroupement familial si décrié, il ne nous faut pas oublier qu’en remontant sur quelques générations les migrants c’était nous, les Européens. Dans les familles nombreuses de l’époque (18e et 19e siècle surtout) l’avenir n’était assuré que pour l’aîné de la famille à qui revenant, au mieux, la ferme dont ils n’étaient bien souvent que l’exploitant, pas le propriétaire. Le second de la famille pouvait toujours espérer rentrer dans les ordres ou dans l’armée, mais pour le reste de la fratrie le choix était plus que limité : le mariage pour les filles et l’exil pour les garçons. Comme le principal métier exportable était celui de berger, pratiqué par une grande partie de ces garçons, ils ne leur restaient plus qu’à tenter leur chance outre-Atlantique, embarquer sur un cargo de fortune au port de Bordeaux avec comme avenir une vie de misère dans une pampa inhospitalière et souvent une mort rapide.

Nous allons dans quelques jours célébrer le 100e anniversaire du 11-Novembre, date de l’armistice de la guerre de 14/18, c’est un évènement important pour qui veut se souvenir que la grande boucherie n’est pas réservée qu’aux autres, par la même occasion souvenons nous aussi que nous sommes tous des émigrés potentiels.

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Commentaires

Serge
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J'ai constaté après une petite recherche sur le net que 4 personnes portaient exactement le même nom que moi (nom et prénom compris)... flippant !

bernardc
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J'ai oublié de préciser dans mon article que, comme les Pays hispaniques accolent souvent le nom du père et de la mère, les noms de famille se perdent moins qu'en France ou par tradition la nouvelle épouse prends le nom de son mari (c'est en train de changer). C'est pour cela qu'on retrouve beaucoup de noms d'origine européenne en Amérique du sud alors que certains sont en train de disparaître ici.
Merci pour ton commentaire, c'est mon premier! Comme je débute dans la famille Mondoblog ça fait doublement plaisir.