Ebolapeur…

24 septembre 2014

Ebolapeur…

 

Trois grands sujets dans l’actualité de ce milieu du mois de septembre, traités à des degrés divers : les frappes aériennes en Irak, sujet lourd de conséquence mais peu vendable, le retour maintes fois annoncés de Nicolas Sarkozy en politique, qui pose la question de savoir qui des juges ou de lui cours le plus vite, et l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, ça c’est vendeur coco !
Autant vous le dire tout de suite, à 6000 kilomètres de l’épicentre, la peur nous gagne. Grâce à des médias déchainés et investis de la plus haute intention de nous nuire, Ebola est à nos portes, peut-être même dans ma cuisine…
Je ne sais pas ce que sont vos médias chez vous, mais ici, dans notre France étriquée, la peur est partout, et c’est en grande partie dû à la nuisance des chaînes d’info « en continue »
Il y a vingt ans de ça, peut-être dix, avant la montée en puissance d’internet, le paysage audiovisuel était relativement simple avec cinq ou six chaines de télévision et, dominant tout le monde, un journal télévisé, celui de TF1, avec aux commandes un présentateur vedette croquemitaine, Jean-Pierre Pernaut. Pour résumer son journal, c’était (et c’est toujours) dix minutes d’infos nationale et internationale, souvent bâclées et parfois biaisées, et vingt bonnes minutes de reportages sur une France éternelle qui n’existe plus depuis des décennies : du fabricant de sabot au fabricant de parapluie en passant par un salon de l’agriculture faux nez d’un monde qui s’industrialise de plus en plus. Ça c’était avant, maintenant le Dieu a trouvé son maître, la grande messe du journal de TF1 est petit à petit détrôné par la montée en puissance des chaînes d’info continue, pur produits anglo-saxon ou l’important ce n’est pas l’info, l’important c’est de capter le plus longtemps possible le client.
Et pour ce faire tous les moyens sont bons, un rythme soutenue, un bandeau défilant qui hypnotise, mais surtout une dramatisation de tous les instants ; faut les comprendre, s’ils veulent garder le téléspectateur captif il faut que ça bouge, il faut du sensationnel, il faut du saignant, quitte à tordre un peu la vérité ou à en faire beaucoup trop pour garder l’audience. Rien n’est plus terrible pour ces médias qu’un calme jour d’été avec des politiques en vacances, du sport en pointillé et un grand ciel bleu qui détourne les foules de leurs petits écrans. Donc, quand on tient un sujet on ne le lâche pas du jarret, comme un Rottweiler.
Ces petites explications pour essayer de vous faire comprendre comment une épidémie, réellement dramatique, sur le continent africain se transforme en « fin du monde » ici. Sur un sujet de cet acabit il faut se défoncer, non pas pour informer, éclairer, instruire, mais pour capter le quidam. Nous avons donc droit à des reportages hystériques sur…la prochaine arrivée du virus à Paris Charles de Gaulle (l’aéroport de la capitale). Je n’ai pas vu (ou j’ai raté) de reportages sur le travail des équipes médicales sur le terrain, sur la logistique mise en œuvre, sur le rôle de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Non, ce qu’il faut c’est du sensationnel, de la peur : on montre des cadavres, des mourants, des scènes de panique, des frontières passoires, il faut faire monter la sauce coco !
Prenez par exemple l’infirmière volontaire de MSF (Médecin Sans Frontières) infectée par le virus et rapatriée en France ce week-end. Innocemment je pensais voir au moins un reportage sur ces personnels soignants bénévoles qui vont risquer leurs vies pour sauver celles d’autrui, par exemple suivre un médecin depuis son embarquement jusqu’à ses longues journées de travail dans un endroit isolé de la Guinée forestière. Imbécile que je suis, tout ce que nous avons eu droit, sur toutes les chaines de télévision, c’est le « cul » de l’ambulance qui transportait la jeune femme, et le commentaire de la boulangère face à l’hôpital qui espérait « qu’ils ne vont pas laisser échapper leur machin »
Vous touiez ça pendant un bon mois, vous comptez les morts, vous pointez un pistolet/thermomètre sur tous les fronts un peu transpirant et PAF : le virus il est dans ma cuisine !
Nous engendrons une société de la peur, repliée sur elle-même, incapable de regarder l’autre sans se demander pourquoi il vous veut du mal. Et franchement y’a des jours ou on déprimerait rapidement.
Rassurez-vous, l’info, la vraie, elle existe, mais il faut faire l’effort d’aller la chercher, sur Arte, sur la 5, sur le web, Courrier International, etc. Et quand vous aurez pris l’habitude de surfer sur toute cette matière grise mise à votre disposition et bien… vous craquerez : vous croiserez tôt ou tard le couillon de service qui ne voudra pas vous serre la main à la machine à café « à cause du virus ».

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